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Humanitas Sapiens Sapiens
19 décembre 2007

Boulot de merde

Monsieur l'inspecteur du travail,

Je me permets de vous adresser directement ce courier, car, suite à de nombreuses échauffourées avec mon médecin du travail, j'en ai conclu qu'il était de mèche avec mon employeur. Ce courier concerne la démarche volontaire de harcèlement moral que mon supérieur exerce sur moi, avec la complicité de collègues de travail et dans l'indifférence de tous les autres.

Tout a commencé avec l'agrandissement de l'entreprise. Je suis cadre dans une entreprise de divertissement et il y a quelques mois, je me suis vu attribuer de nouveaux subalternes, ainsi qu'un nouveau chef. De nouveaux cadres ont également été embauchés à cette occasion. L'espace a été restructuré, remplaçant mon ancien bureau par ce qu'ils appellent un "open space". Ca favorise les échanges, parait-il.

Mon employeur, voulant sans doute toucher plus de primes de l'Etat, a embauché majoritairement des personnes souffrant de handicaps physiques ou de difformités, mais quand même des hommes, heureusement. Mais je ne me fais pas d'illusions. Ce sont, pour l'essentiel, de jeunes loups qui, comme on dit dans notre jargon, "ont les dents qui rayent le parquet". Ils sont prêts à toutes les bassesses pour me voler mes prérogatives. Ils ont décidé de caresser notre nouveau chef, qui est d'origine russe, dans le sens du poil. Ils lui écrivent leurs rapports en russe. Je n'y comprends rien, moi, au russe. Ce n'était pas dans mon contrat de travail, qu'il fallait que j'apprenne le russe.

Au début, je les trouvais sympas, ces collègues. Un sourire, un bonjour. Même s'ils ont la tête de travers, ce qui n'est pas leur faute par ailleurs, ça mettait une bonne ambiance. Et puis des sourires ils sont passés à des visages fermés, faisant la tête sans arrêt. Fini les bonjour. Je ne sais pas ce que le chef leur a dit sur moi, mais quand je jette un oeil, par inadvertance, sur eux, je les vois qui m'observent, d'un regard mauvais. Et au fur et à mesure que la situation empirait, ils ont collectionné les coups bas. Un jour je leur ai proposé une soirée bowling, comme ça se fait normalement dans n'importe quelle entreprise. Ils ont tous, sans exception, levé la main pour s'inscrire. Huit qu'on était, c'était très bien. Et bien croyez moi ou pas, aucun n'est venu. Aucun ! J'ai attendu devant le bowling pendant deux heures, dans le froid, et personne, pas un pour rattraper l'autre, pas un coup de fil sur mon iPhone. Le lapin intégral ! Vous me direz, c'est dans le cadre de la vie privée, ça ne peut pas servir à mon dossier. Mais ce qui m'est arrivé le week-end suivant, vous n'allez pas le croire.

Normalement, je ne travaille pas le week-end, sauf pour dépiler mes mails à la maison, et répondre à deux trois mails, mais c'est normal. Mais ce dimanche là, je n'étais pas tranquille. Le vendredi, mes collègues ne m'avaient pas adressé la parole, ils avait un regard bizarre. Ca m'a mis la puce à l'oreille. Ni une ni deux, j'ai sauté dans mon costume et j'ai foncé (en respectant les limitations de vitesse) au travail. En entrant dans le bureau, j'étais sidéré. Tout le monde était là, et ils ne m'avaient pas prévenu ! Il y avait une charette, un coup de bourre, et personne ne m'avait prévenu. Mais si je n'étais pas venu, ça aurait été une occasion parfaite pour eux pour me faire mettre à la porte !

Ayant plus d'ancienneté que les autres, j'aurais cru espérer de ma hiérarchie une quelconque forme de soutien. Mais il n'en est rien. Ils m'ont livré pieds et poings liés à mon nouveau chef, ce russe. Toutes mes plaintes ont été classées sans suites. Mais ce type là, c'est quelqu'un de dangereux. Déjà, il fume des cigares énormes. Il empuantit l'"open space" avec sa fumée nauséabonde. J'admets que moi aussi, je m'en grille une petite de temps en temps, mais ce sont juste des cigarettes, ce n'est pas aussi grave que les cigares. En fait, j'ai repris à fumer depuis que j'ai ce chef. J'ai repris les antidépresseurs et les somnifères aussi. Je bois également beaucoup plus de café. Je m'intéresse, à mes heures perdues, à la morphopsychologie. Un gros monsieur russe, avec le nez ratatiné, le front très plissé qui transpire du gras, c'est soit un ancien boxeur, soit un membre de la mafia !

Quand il me convoque devant son énorme bureau, j'en ai des sueurs froides. Il me fait vraiment peur, ce gars. Toujours sa chope de bière sur le bureau, pour bien faire comprendre qu'il a tous les droits. Et puis, une fois, je l'ai vu sortir discrètement du tiroir de son bureau un énorme pistolet. Ce n'est pas légal, ça, monsieur l'inspecteur ! Et ce regard ! Un regard froid et perçant, comme s'il voyait tous mes petits défauts. Prêt à fondre sur moi à la première erreur. Je l'ai vu se mettre en colère. Ce n'est pas beau à voir. Pas étonnant que mes collègues fassent la tête, ils doivent être stressés, comme moi. Mais au lieu de faire corps contre lui, ils ne pensent qu'à leur petite carrière, ces égoïstes !

C'est devenu une habitude chez mon chef de me demander de faire des choses qui ne relèvent pas de mon poste. Faire le café. Faire le ménage. Il m'a semblé comprendre qu'en tant que cadre, c'était à moi de m'assurer que c'était fait, mais par forcément de le faire moi-même. Pourtant, le résulat est le même. Vu que mes subalternes ne font rien de ce que je leur dis, et que je dois passer sans arrêt derrière eux pour finir leur travail. Non contents d'être petits et laids, ils sont fainéants. Un vrai poil dans la main, tous. Je sais bien qu'ils sont handicappés, mais quand même. Quand ils croient que je ne les regarde pas, je les observent du coin de l'oeil. Je vois bien ce qu'il font. Rien, ils ne font rien de la journée, à part fumer leurs beedies (ce sont des espèces de cigarettes indiennes à base d'eucalyptus) et boire des petits verres de vodka pour se faire bien voir de mon patron. J'admets que de temps en temps, à la pause de 22h, je me jette un petit wiskhy derrière la cravate (avec modération quand même). Mais, dans ce travail difficile, il faut bien se détendre. On est humain.

On pourrait croire que comme ils ne font rien, mes employés ne sont pas touchés par l'ambiance du bureau. Mais c'est tout le contraire. Ils sont sur les nerfs, et rejettent toute la responsabilité sur moi. Certes de temps en temps j'ai un mot dur, mais c'est pour les remotiver, leur donner un coup de fouet (au figuré monsieur l'inspecteur). Parfois, je leur dit qu'ils sont nuls, mais c'est pour leur donner envie de s'améliorer. Mais hier soir, un incident grave s'est produit en sortant du bureau.

J'ai croisé mon plus proche subalterne qui retournait à son bureau alors que j'en sortais. Nous allions l'un vers l'autre. J'étais pressé et je ne regardais pas trop devant moi. Et bien ce pauvre type m'a foncé dessus, et m'a donné un coup de tête ! Une agression physique sur ma personne ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ! Je n'en peux plus. Si ça continue je vais faire une bêtise, monsieur l'inspecteur. J'ai amené un pistolet au bureau. Non pas pour tuer quelqu'un. Juste moi, si j'ai assez de courage. Comme ça ils seront bien embêtés, avec mon cadavre pissant le sang sur mon bureau, non, le bureau de la société, comme m'a si bien fait comprendre mon chef. De temps en temps, je le sors de mon tiroir, et puis je le remets. Je suis un lâche. Je suis un nul, je suis une merde.

Aidez moi, je vous en prie.

Humanité, cadre au Palais des Miroirs, place de la Fête Foraine.

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